21.04.2009
– Par Patrick Le Hyaric, Directeur de l’Humanité.
Imaginez : des militaires haineux pénètrent chez vous par la force. Ils vous expulsent. Puis détruisent votre maison. Ils s’emparent de votre terre. Imaginez, chaque jour, votre ville, votre quartier réduit de plus en plus à la portion congrue par un État étranger qui annexe. Et installe dans ce qui hier était encore la maison de vos voisins, le quartier de vos amis, ses colons. Partout dans le pays, l’inique processus de colonisation s’accroît ainsi sans limite et dans l’illégalité la plus totale. Jusqu’à vous cerner, vous emprisonner dans ce qu’il faut bien appeler un bantoustan.
Imaginez : chaque matin, pour vous rendre à votre travail, chaque soir pour en revenir. Quand vos enfants vont à l’école, et quand ils en reviennent. Dans votre propre pays, une frontière à franchir. Le cliquetis glacial d’un tourniquet. Vos vêtements, vos affaires passées aux rayons X des détecteurs de métaux ou d’explosifs. Votre pays et pourtant, un laissez-passer à présenter. Et puis les insultes et les quolibets proférés par les jeunes soldats d’une armée d’occupation.
Imaginez que l’État qui occupe, qui annexe votre terre, construise de larges routes modernes à travers votre pays, au service exclusif des colons qui peuplent les villes construites pour eux, quand vous devez vous contenter de chemins à peine goudronnés ou en terre, où le croisement du moindre véhicule est dangereux.
Imaginez que dans votre pays, votre ville, votre jardin, au milieu de votre maison, l’État occupant construise un mur de séparation : séparation avec les habitants de cet autre État, mais aussi avec votre famille.
Imaginez : vous vous mariez avec une personne habitant Lyon, Marseille, Tulle ou Lorient. Mais comme vous résidez en Seine-Saint-Denis, on vous interdit de vivre avec votre amour et vos enfants.
Non, je n’exagère pas ! Non, ce n’est pas un cauchemar. Car ceux dont je parle ici le vivent au quotidien. Nous l’avons hélas vérifié, avec effroi, à nouveau la semaine dernière, avec une délégation d’une centaine d’élus et d’acteurs sociaux, citoyens et culturels d’opinion diverses.
Où ? En Palestine. Oui. Par-delà nos opinions religieuses, politiques et philosophiques, discutons raisonnablement, sans haine, et constatons ce fait : une autre guerre, silencieuse est menée contre le peuple palestinien. Une guerre qui consiste à coloniser, à annexer des terres, à mener à Jérusalem ce qu’on ne peut qualifier que d’épuration ethnique. Jérusalem, cette si belle ville, historique, culturelle, carrefour des religions, à l’intérieur de laquelle sont détruites les maisons des Palestiniens selon une géographie minutieuse qui consiste à couper Jérusalem-Est en deux, à bien scinder la ville grâce à la construction désormais bien avancée d’un tramway. Et à installer et développer à la périphérie des colonies équivalentes à une ville moyenne de France qui enserrent Jérusalem, défigurée par ce mur hideux qui la traverse de part en part désormais.
Tout cela se fait chaque jour dans un silence aussi assourdissant qu’inquiétant, pour que le peuple palestinien n’existe plus. Tout est fait pour liquider l’idée même d’un État national palestinien.
Pourtant toutes les règles internationales interdisent de toucher à Jérusalem. Le gouvernement israélien n’en tient aucun compte et personne n’y trouve rien à redire. Révoltant !
Quelle conscience humaine, quelle humanité peut continuer à accepter cela ? Ne nous y trompons pas ! Vivre ensemble, dans le même monde, faire humanité ensemble, implique de relancer le processus de paix et de faire cesser cette colonisation, cette annexion, cette militarisation de l’espace palestinien, cette politique qui ne peut porter d’autre nom que celui d’apartheid.
Le monde entier, ses dirigeants doivent bien comprendre que laisser les mains libres au gouvernement israélien ne fait que renforcer les extrémismes, et donc la guerre.
Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se saisir d’urgence du scandale de l’occupation et de la destruction des maisons et du mur de séparation, comme de l’enjeu de la souveraineté alimentaire et de l’accès à l’eau des Palestiniens.
On ne peut laisser seul le peuple palestinien grillagé, emmuré, colonisé, occupé, contrôlé par des miradors, à la merci des meutes de militaires et de policiers israéliens. On ne peut le laisser ainsi humilié, étouffé, réduit au silence, sans réagir ! C’est de la mobilisation internationale aux États-Unis, en Europe et ailleurs, de tous les peuples, de tous les humanistes que dépend maintenant la solution. L’Union européenne dispose d’un moyen de pression : suspendre immédiatement l’accord d’association avec l’État d’Israël tant que ses dirigeants ne reviennent pas à la table des négociations.
Quelles que soient nos opinions, nos préférences philosophiques on doit, tous ensemble, réclamer la simple application des résolutions de l’ONU. C’est la voie de la justice, de la sécurité, du droit, de la paix pour tout le monde. Le gouvernement israélien doit répondre de ses crimes à Gaza, cesser le blocus, la colonisation, ces affreux check-points et la destruction des maisons. Il doit abattre le mur, appliquer la résolution des Nations unies pour le droit au retour des réfugiés et restituer les biens volés aux familles palestiniennes. Il doit libérer les 11 000 prisonniers politiques palestiniens, à commencer par Marwan Barghouti. Et le président de la République française doit agir avec fermeté pour sortir le jeune Franco-Palestinien, Salah Hamouri, des geôles israéliennes où il croupit depuis 1 500 jours.
Une solution juste et durable pour le peuple palestinien et israélien, c’est le retour aux frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, comme l’exige le droit international.
Il y a urgence ! Il faut que le monde se bouge ! L’impunité ça suffit ! C’est le cri que nous ont lancé les populations palestiniennes, ses élus, les partis politiques, les responsables des camps de réfugiés. Nous le relayerons jusqu’à ce que justice soit enfin faite ! Rien n’est jamais irréversible. Les peuples unis ont toujours fait gagner la démocratie, la liberté, la paix, la souveraineté des peuples contre la barbarie.
Source : www.humanite.fr