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Science — Comment fonctionne notre conscience ?

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19.03.2009

Une équipe de chercheurs français a analysé les signaux cérébraux pour tenter de définir les mécanismes donnant lieu à la prise de conscience.

Crédits photo : Photo12.com-AnneJoudiou
Crédits photo : Photo12.com-AnneJoudiou

Où se trouve la conscience ? C’est la question que se sont posée trois chercheurs de l’Inserm, Lionel Naccache, neurologue et neurophysiologiste, Raphaël Gaillard, psychiatre, et Stanislas Dehaene, titulaire de la chaire de psychologie expérimentale au Collège de France. Selon la définition communément adoptée en neurosciences, la conscience est l’une des facultés du psychisme. Quand l’on est conscient de quelque chose, on peut se le rapporter à soi-même ou aux autres. C’est le cogito ergo sum («je pense donc je suis») de Descartes. En résumé : on me parle et je suis «conscient» que l’on me parle.

Mais la question de la conscience n’est pas seulement d’ordre philosophique, elle est également neurologique. «Notre interrogation principale concernait la signature cérébrale de la prise de conscience», explique Lionel Naccache, qui travaille à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière.

Son équipe qui fait partie du centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière a réalisé des expériences avec des patients épileptiques porteurs d’électrodes intracrâniennes. Ces dernières ont enregistré l’activité de leur cerveau avec une précision beaucoup plus fine que les autres méthodes d’imagerie cérébrale classiques. Les chercheurs ont présenté à ces patients des séries de mots connotés négativement (sang, violence), positivement (joie, sourire) ou neutres (vélo, cousin, sonate) qui étaient «flashés» sur un écran pendant une durée très brève (2 centièmes de seconde). La moitié des mots étaient consciemment visibles tandis que les autres étaient présentés en ajoutant après chaque mot une ligne de symboles dièses (#####), ce qui empêche la prise de conscience du mot. Du coup, si l’on demandait au volontaire testé s’il avait vu le mot, il répondait que non.

Les résultats obtenus par ces chercheurs montrent qu’il existe deux temps dans la perception. Ces conclusions ont été publiées mardi dans la revue américaine PLos Biology. Le premier temps est toujours inconscient et dure à peu près 2 dixièmes de seconde. Le second n’est pas automatique et c’est lui qui correspond à la prise de conscience. Entre le moment où je lis le mot sur l’écran et le moment où j’ai conscience de ce mot, il se passe entre 200 à 250 millièmes de seconde, c’est-à-dire le temps de deux ou trois battements de paupière.

De nombreuses applications

Avec cette étude, c’est la première fois que le temps du trajet de la conscience dans le cerveau est mesuré expérimentalement. De plus, l’imagerie a permis de voir qu’il n’y a pas une localisation précise de la conscience mais un chemin d’activité cérébrale qui va de l’arrière à l’avant du crâne puis de l’avant vers l’arrière. Cette étude a pour conséquence de changer les théories de la perception. «La prise de conscience est un événement remarquablement tardif qui correspond à une intense discussion entre des régions cérébrales très distantes les unes des autres», précise Lionel Naccache.

Le neurobiologiste et professeur au Collège de France, Jean-Pierre Changeux, qui a travaillé sur ces questions, estime que cette étude présente «une nouveauté importante. L’utilisation d’électrodes intracrâniennes permettent une analyse beaucoup plus précise et rigoureuse des paramètres d’accès à la conscience que la méthode standard de l’électroencéphalographie. En ce sens, il y a un réel progrès technique bien que les résultats corroborent largement ceux, très pionniers, présentés auparavant par Sergent et DelCul et de la même équipe».

Outre ces expériences avec les mots présentés visuellement, des tests auditifs ont également été menés afin d’identifier une signature cérébrale de la prise de conscience de l’environnement auditif. Jean-Pierre Changeux note que les applications médicales sont nombreuses : «Comme par exemple s’assurer de l’état de conscience d’un patient dans le coma ou schizophrène.»

Un test pour différencier un coma de la paralysie

Si l’on sait mesurer un événement cérébral correspondant à la prise de conscience, on doit être capable, en examinant des malades, de dire s’ils sont dans le coma, dans un état végétatif ou s’ils sont paralysés mais conscients. Trois situations très différentes sur le plan clinique et dont le pronostic est totalement différent.
Dans un article paru en janvier dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences, l’équipe de Lionel Naccache a présenté un test auditif d’évaluation de la conscience. D’une durée de 45 minutes, il vise à faire écouter des séries de sons (des bips) à des malades après leur avoir dit (même s’ils sont inconscients) qu’il existe une règle dans la régularité de ces sons. Par exemple, le dernier bip peut être systématiquement plus fort que les quatre précédents. Ensuite, des électrodes sophistiquées, du type électroencéphalogramme, permettent de recueillir les réactions du malade sans qu’il ait besoin de communiquer.
Cet enregistrement montre alors que le malade, lorsqu’il est conscient, compte les sons dans sa tête.  » C’est ce qui nous a permis, chez une personne qui présentait tous les symptômes d’un coma, et que toute l’équipe médicale avait diagnostiqué comme tel, de comprendre qu’elle était en fait consciente et paralysée « , raconte Lionel Naccache.

Par Anne Jouan

Source : www.lefigaro.fr

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