9 janv. 2009
UN PREMIER PAS DANS L’ACCUEIL DE RÉFUGIÉS
Connu pour sa réticence à ouvrir ses portes aux réfugiés, Tokyo a décidé de revoir sa politique. L’ONU s’en réjouit, mais les Japonais peuvent faire mieux encore.
Le temps est venu pour le Japon d’en finir avec ce que le reste du monde perçoit comme une réticence à accueillir des réfugiés. A compter de 2009, l’archipel fera partie des pays qui acceptent de recevoir des déplacés vivant dans des camps de réfugiés et n’ayant aucune perspective de rapatriement. Au printemps, il lancera les premiers préparatifs pour accueillir, dès avril 2010, des réfugiés birmans (qui sont actuellement en Thaïlande). Même si ce programme est mis en œuvre « à titre expérimental » pour une période de trois ans, ce n’en est pas moins un premier pas vers une ouverture de la société japonaise aux réfugiés. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il devienne permanent. L’ONU s’est félicitée de cette initiative, la première du genre en Asie. Elle souhaite que le Japon soit un modèle pour la région.
On dénombre actuellement dans le monde quelque 11,5 millions de réfugiés qui ont quitté leur pays pour échapper à la persécution. Six millions d’entre eux résident dans des camps depuis plus de cinq ans. Le nombre d’enfants qui n’ont jamais vécu sans être entourés de barbelés ne cesse de croître. Il est manifeste que ces séjours prolongés dans des camps détruisent la vie de ces gens. Pourtant, peu de pays sont prêts à les accueillir. A l’heure actuelle, moins de vingt Etats – essentiellement occidentaux – acceptent des réfugiés dans le cadre du programme de réinstallation des déplacés vivant dans des camps étrangers. Le Japon est le dernier de la liste.
D’ici à quelque temps, des représentants japonais se rendront en Thaïlande pour s’entretenir avec les candidats à la réinstallation inscrits sur la liste du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Toutefois, le nombre des admis ne dépassera pas les 30 par an, soit 90 en trois ans. Même s’il est normal de procéder à une sélection rigoureuse, ce chiffre est incontestablement trop faible. Il est préférable que les réfugiés soient accueillis en quantité suffisante pour pouvoir former une communauté et s’entraider.
Pour recevoir des gens d’une culture différente, il faut s’y préparer soigneusement. Si l’on veut que la réinstallation soit un succès, il est indispensable que l’ensemble de la collectivité d’accueil coopère. Les régions, les entreprises et les établissements scolaires doivent joindre leurs efforts pour aider les nouveaux venus à apprendre la langue du pays d’accueil, trouver du travail et inscrire leurs enfants à l’école. Bien que l’économie nationale traverse un moment difficile, nous devons leur réserver un accueil chaleureux.
Le Japon a signé en 1981 la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, mais, en 2007, le nombre d’individus reconnus en tant que réfugiés par le gouvernement ne dépassait pas 451. La procédure de sélection est si rigoureuse que le pays a été accusé d’isolationnisme. Pourtant, les demandes de statut de réfugié ont fortement augmenté au cours des dernières années, pour en compter 1 500 en 2008. Le nombre de réfugiés a lui aussi progressé et même ceux qui n’ont pas été reconnus aux termes de la Convention de l’ONU ont parfois été autorisés à rester dans le pays pour des raisons humanitaires.
Parmi les réfugiés indochinois (Vietnamiens, Cambodgiens et Laotiens) que le Japon a accueillis après la guerre du Vietnam, certains ont connu une formidable réussite sociale, notamment dans le domaine médical ou dans celui des affaires. A l’instar d’Albert Einstein, qui a émigré aux Etats-Unis pour des raisons politiques, les réfugiés peuvent apporter une précieuse contribution à leur pays d’adoption. Nous devons accueillir les réfugiés comme de nouveaux voisins. En espérant que ce premier pas, aussi modeste soit-il, nous conduise vers une société plus ouverte. – (Asahi Shimbun)
Source : www.courrierinternational.com