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Soad Bekkouche — Religions, Traditions et Droits des Femmes

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Par Soad BEKKOUCHE

Mercredi 3 décembre 2008

article publié dans la lettre 605

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Europe: Forum Social Europeen de Malmo
1/10/2008: Vendredi 19 septembre 2008 –
Intervention de Soad BEKKOUCHE, Initiative Féministe Européenne (IFE/EFI). (WLUML Networkers)

Que ce soit la religion catholique, musulmane, juive, hindouiste, aucune religion ne prône l’égalité sociale, juridique et politique des femmes. Bien au contraire, les religions ont toujours sacralisé des traditions de domination masculine maintenant les femmes dans l’unique rôle social d’épouse, de mère, de gardienne des « valeurs » ?

nonne-2.jpgMais de quelles valeurs nous parlent-on ? Celles qui les maintiennent dans un ordre patriarcal traditionnel.
Si les fondamentalismes religieux nous font croire qu’ils s’opposent les uns aux autres car ils ne reconnaissent pas le même Dieu, il y a deux choses pour lesquelles ils sont unanimes :
la mise en place d’Etats théocratiques;
l’émancipation des femmes qu’ils considèrent comme la cause de tous les fléaux.
L’un n’allant pas sans l’autre, il faut revenir aux conceptions théocratiques patriarcales et à l’acceptation par les femmes de leur soumission.
Nous constatons que les fondamentalistes, qui disent lutter contre l’Impérialisme décadent, n’ont jamais remis en cause l’ordre social en place. Dans tous les pays, leurs idées sont réactionnaires et engendrent le racisme, la xénophobie, etc…
Les fondamentalistes s’appuient sur une lecture stricte des textes rappelant l’ordre patriarcal traditionnel. Ils permettent aux hommes la justification de leur domination et donc l’infériorisation des femmes.
Que cela soit le Christianisme, les Ultras catholiques, le Judaïsme orthodoxe ou l’Islamisme, leur souhait est de ramener les femmes à la maison. En outre, les États, les institutions politiques leur offrent sur un plateau doré, au nom de lois de la famille, les droits des femmes.
En Europe, il existe un véritable malaise autour de la condition des femmes et notamment autour des femmes migrantes, au nom de spécificités culturelles, les militants des Droits de l’Homme refusent de traiter le problème des droits des femmes et se cachent derrière l’éternel débat portant sur le respect des « traditions », des différences culturelles sans jamais définir leurs conséquences sur les droits des femmes. C’est ainsi que la violence s’est institutionnalisée à l’égard des femmes, à la place de lois civiles égalitaires, des statuts personnels justifient l’infériorisation des femmes. En France, et dans d’autres pays Européens, nous constatons un déni de justice à leur égard. Les femmes migrantes sont généralement définies par un statut exclusivement familial, épouse, renvoyant à leur statut personnel, elles se retrouvent donc en situation de dépendance par rapport à leur mari et au droit de séjour de celui-ci. Aucun statut autonome, ce sont des « personnes subsidiaires »
Les femmes françaises issues de l’immigration et les femmes migrantes se retrouvent confrontées à des situations dramatiques du fait de la reconnaissance « implicite » du fait culturel à leur égard (répudiation, polygamie, mariage forcé, excision, crimes d’honneur),
Pères, frères, oncles, cousins peuvent les violenter allant même jusqu’à les tuer en toute impunité au nom du respect des cultures, de la « tradition ».
Par exemple, en Grande-Bretagne des familles commanditent des chasseurs de primes pour rechercher les jeunes filles qui quittent leur domicile familial pour les enlever et les expédier en voyage, sans retour, vers le Pakistan. Les cas extrêmes de certaines familles sont de punir leurs filles en les battant, en leur jetant de l’acide au visage ou en les brûlant à mort.
Je pourrai aussi vous parler de la justice des pays européens où des juges reconnaissent des statuts personnels discriminatoires (algérien, marocain) en acceptant les répudiations unilatérales intervenues à l’étranger, la reconnaissance de la polygamie et autres discriminations les assujettissant plus complètement à leur compatriotes au nom « du relativisme culturel ».
Aujourd’hui nous sommes confrontées à des lois hypocrites qui accordent au fœtus un statut légal de la personne humaine, qui n’a pour seul but de délégaliser l’avortement et de culpabiliser les femmes.
Je voudrais demander à l’ensemble de ces hypocrites qui estiment que le fœtus mort-né doit avoir un statut légal de personne humaine, quel statut au fœtus qui continuera à vivre1 et qui sera une jeune fille, une femme accorderont-ils ?
Celui d’être maintenue dans un statut discriminatoire ? D’être un sous-être humain, une sous-citoyenne pour qui :

* il est interdit de disposer de son corps, de divorcer, de choisir son mari, ou son orientation sexuelle ?

* d’être un sous-être humain qui doit accepter de subir les violences physiques et psychologiques au sein de la cellule familiale ?

* d’être cette non personne humaine qui peut être voilées, violée et assassinée et dont les « bourreaux » continueront à vivre dans l’impunité ?

C’est pourquoi nous devons faire le lien entre les politiques ultra patriarcales inhérentes aux régimes fondamentalistes (qu’elles soient basées sur une religion ou une culture majeure) et le patriarcat plus subtil des démocraties occidentales.
C’est pour cette raison que les militants des droits humains ne peuvent pas se présenter comme des défenseurs des droits humains sans y intégrer le respect des droits des femmes et continuer à soutenir des groupes fondamentalistes au nom de la lutte contre l’Impérialisme (Comme le souligne si brillamment Azar Majedi, il est impossible de continuer à accepter le principe de « les amis de mes ennemis sont mes amis… »). Les droits des femmes ne sont pas une partie cessible des droits humains.
En conséquence, ce n’est pas un hasard si les véritables ennemies des fondamentalistes sont les féministes qui allient des valeurs égalitaires et démocratiques et qui refusent l’apartheid sexiste.
La séparation du politique est du religieux est un préalable dans la lutte des féministes pour la construction d’une société égalitaire. Il ne doit pas exister de droits différents entre les Citoyennes et les Citoyens en Europe et dans le Monde.
La Laïcité est notre digue de protection face à des chefs religieux qui réclament une obéissance sans limite.
La Laïcité est notre rempart juridique face aux fondamentalistes.
Qu’ils se nomment Benoît XVI, Talibans ou Rabbins, ils sont tout autant criminels lorsqu’ils œuvrent à la mise en place des politiques permettant la pénalisation de l’avortement, le refus du port du préservatif, soutiennent des lois ne punissant pas les violences conjugales à l’égard des femmes et des enfants, lorsqu’au nom de la conception théocratique patriarcale des femmes sont voilées, enfermées, violées, assassinées.
Les féministes doivent s’affirmer dans leur combat pour une laïcité qui n’accepte aucune compromission allant à l’encontre de l’émancipation des femmes et de toute l’humanité dans son intégralité.


Par Soad BEKKOUCHE

Initiative Féministe Européenne (IFE/EFI)

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Source : www.gaucherepublicaine.org

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