HISTORIQUE
De par leur vulnérabilité, les enfants sont plus facilement exposés aux risques de maltraitance et d’abus sexuels. Dans certains pays, ils peuvent être employés dans des ateliers clandestins, livrés à la prostitution ou utilisés comme auxiliaires dans divers trafics illicites notamment en matière de drogue.
LES VIOLATIONS
Ces pratiques portent atteinte à leur intégrité physique et mentale. Elles violent les dispositions de la convention internationale sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989, en particulier l’article 34 destiné à protéger l’enfant contre tout type d’exploitations et de violences sexuelles.
Ces formes de violations ont tendance à se multiplier à cause de l’essor du tourisme de masse et de l’utilisation des moyens informatiques. Selon l’UNICEF, l’industrie de la pornographie enfantine générerait 20 milliards d’euros et 1 million d’enfants sont utilisés à ces fins.
Pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, l’UNICEF et l’association « End Child Prostitution in Asian Tourism » (ECPAT) ont organisé un congrès mondial en Suède. Ce colloque, qui s’est tenu du 27 au 31 août 1996, constitue le point de référence dans l’action internationale, car il a suscité une prise de conscience générale de ce phénomène.
Dans le prolongement de ce congrès, les Nations unies ont adopté, le 25 mai 2000, un protocole facultatif interdisant la vente et la prostitution d’enfants ainsi que la pornographie mettant en scène des enfants.
L’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté, le 1er juin 1999, la convention n° 182 concernant l’interdiction des « pires formes de travail des enfants.»
Enfin, le plan d’action approuvé par l’ensemble des gouvernements présents au Congrès a servi de guide dans la mise en œuvre des politiques nationales en matière de lutte contre leur exploitation sexuelle.
LES ENGAGEMENTS
Les engagements contenus dans le plan d’action ont été réaffirmés lors du Congrès ECPAT de Yokohama du 17 au 20 décembre 2001 auquel ont participé 159 États.
Au niveau européen, le traité de Maastricht a permis de développer plusieurs initiatives :
– l’action commune, du 24 février 1997, relative à la lutte contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des enfants, qui établit une compétence extraterritoriale de la loi pénale en la matière,
– le programme Daphné destiné à appuyer les activités d’organisations non gouvernementales ou bénévoles pour combattre toute forme de violence, qu’elle soit sexuelle ou non.
– le programme Daphné II, qui constitue le prolongement du programme Daphné pour la période 2003-2008, est actuellement en cours d’exécution. Fondé sur une décision du 21 avril 2004, il est doté d’une enveloppe globale de 50 millions d’euros. Il sera remplacé par un le programme « combattre la violence, (Daphné) prévenir l’utilisation de drogue et informer le public ». La proposition l’instituant a été présentée par la Commission le 6 avril 2005. Elle prévoit de le doter, pour la période 2007-2013, d’une enveloppe de 138,2 millions d’euros.
Le traité d’Amsterdam marque une nouvelle étape dans l’action de l’Union en inscrivant sur la liste des phénomènes à combattre dans le cadre de l’établissement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, les « crimes contre les enfants.»
Les conclusions du Conseil européen de Tampere demandent aux États membres d’harmoniser leur droit pénal national concernant l’exploitation sexuelle des enfants et la criminalité utilisant les technologies avancées. En réponse, le Conseil a adopté, le 22 décembre 2003, une décision-cadre relative à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie. Ce projet, constitue l’élément pivot du dispositif de protection de l’Union.
Suite à l’affaire FOURNIRET, le Conseil examine actuellement un projet belge destiné à assurer une mise en œuvre effective des déchéances attachées aux condamnations pénales pour ce type de délit. Cette initiative, déposée le 5 novembre 2004, vise à assurer la reconnaissance d’une déchéance prononcée par un État membre par les autres États membres. L’individu frappé d’une telle mesure (telle que l’interdiction d’exercer une activité professionnelle impliquant un contact avec des enfants) ne peut alors pas s’y soustraire en allant s’installer dans un autre État membre.
La Commission entend poursuivre l’action de l’UE dans ce domaine en présentant prochainement une stratégie politique européenne, « sorte de code européen pour la protection des droits des enfants », selon le Commissaire FRATTINI.
ANALYSE
L’Union a concentré son action sur deux formes d’atteintes à l’intégrité de l’enfant :
– l’exploitation sexuelle (1.)
– la pornographie enfantine appelée encore « pédopornographie.» (2.)
– Elle s’est également penchée sur la question de la disparition d’enfants. (3.)
1. L’EXPLOITATION SEXUELLE
La décision-cadre définit l’exploitation sexuelle comme étant le fait de :
– contraindre un enfant à se livrer à la prostitution ou à participer à des spectacles pornographiques ;
– se livrer à des activités sexuelles avec un enfant, en ayant recours à la force, en lui offrant de l’argent ou en abusant d’une position reconnue de confiance, d’autorité ou d’influence.
Au moment de la transmission du projet au Conseil, la Commission avait présenté simultanément une proposition de décision-cadre sur la traite des êtres humains. Elle a opté délibérément pour deux textes séparés au motif que l’exploitation sexuelle ne se confond pas avec la traite des êtres humains.
Cependant, les deux phénomènes sont liés. C’est pourquoi la décision-cadre du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains contient des dispositions spécifiques relatives aux enfants. Elle estime que ceux qui font l’objet de traite devraient bénéficier du statut protecteur de « victimes particulièrement vulnérables.»
La décision-cadre :
– demande aux États membres d’adopter une législation fixant des peines de prison d’un maximum d’au moins un à trois ans. Elle aggrave les peines si l’enfant a été forcé à se livrer à la prostitution, s’il a subi un préjudice grave ou si l’exploitation a été commise dans le cadre d’une organisation criminelle ;
– prévoit la responsabilité des personnes morales ainsi que l’interdiction pour les personnes physiques d’exercer des activités professionnelles liées à la surveillance d’enfants.
L’Union s’est attaquée au tourisme sexuel. La Commission a présenté, le 27 novembre 1996, une communication dans laquelle elle entend fournir un cadre de référence à l’action communautaire en inscrivant celle-ci dans une perspective à moyen et long terme. La stratégie est double puisqu’elle consiste à :
– réduire la « demande », en coopération notamment avec l’industrie du tourisme et les ONG concernées ;
– s’attaquer aux sources de « l’offre » dans le pays de destination des touristes.
La Commission a mis en œuvre les dispositions opérationnelles prévues dans la communication et juge les résultats encourageants. Elle estime néanmoins que les efforts doivent être poursuivis. C’est également l’opinion du Parlement européen et du Conseil qui ont adopté respectivement une résolution le 30 mars 2000 et des conclusions le 21 décembre 1999 sur la mise en œuvre des mesures de lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants.
2. LA PEDOPORNOGRAPHIE.
Dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité, la décision-cadre relative à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie demande aux États de rendre punissable la pédopornographie, c’est-à-dire la production, la diffusion et la détention de tout matériel pornographique représentant de manière visuelle un enfant réel ayant un comportement sexuellement explicite.
Le texte inflige des peines d’emprisonnement d’un maximum d’au moins un à trois ans.
La convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe, du 23 novembre 2001, rend punissable également les actes de pédopornographie. Elle contient une définition semblable à celle contenue dans la décision-cadre. Néanmoins, elle s’en distingue par le fait qu’elle :
– sanctionne uniquement les actes ayant été commis par le biais d’un système informatique,
– permet, pour la qualification de « mineur», à un État de fixer une limite d’âge inférieure à 18 ans.
L’action de l’Union européenne contre la pédopornographie comporte non seulement un volet législatif mais aussi un volet opérationnel par le biais du financement communautaire de projets.
Lutte contre la pédopornographie
Le Conseil a adopté une décision relative à la lutte contre la pédopornographie sur l’Internet le 29 mai 2000. Parmi les mesures les plus importantes figurent :
– la mise en place d’unités spécialisées en matière de lutte contre la pédopornographie au sein des services répressifs des États membres,
l’utilisation des différents canaux de coopération policière, en particulier Interpol, Europol et les points de contact opérationnels 24 heures sur 24 créés au sein des États membres pour lutter contre la cybercriminalité,
la possibilité d’imposer aux fournisseurs d’accès à Internet l’obligation de conserver les données relatives au trafic et de créer leurs propres systèmes de contrôle ;
– une décision établissant un programme destiné à promouvoir l’utilisation plus sûre d’Internet le 11 mai 2005. Ce programme, qui est prévu pour la période 2005-2008, s’inscrit dans la continuité du programme précédent (1999-2004). Il est doté d’une enveloppe globale de 45 millions d’euros.
3. La disparition d’enfants.
La recherche des enfants disparus relève en principe de la compétence des services de police. Lorsqu’une disparition revêt un caractère européen, l’enfant peut faire l’objet d’un signalement dans le Système d’information Schengen (SIS),
international, les autorités compétentes contactent Interpol qui diffuse un avis de recherche appelé « notice JAUNE ».
Elle implique également la société civile.
Conscient du fait que les associations sont susceptibles de constituer un appui non négligeable, le Conseil a adopté une résolution relative à l’apport de la société civile dans la recherche d’enfants disparus ou sexuellement exploités. Cette résolution du 27 septembre 2001 vise à les associer davantage au processus de recherche.
Pourtant, le texte demeure assez prudent quant au rôle qu’elles doivent jouer. Il se contente d’inviter les États à rendre possible leur soutien dans le cadre de la diffusion d’informations relatives à la localisation, la mise à disposition de volontaires pour des battues, l’apport d’une aide aux familles et la transmission mutuelle d’informations avec les autorités répressives.
La résolution ne prévoit pas la création d’un observatoire européen recensant les données relatives aux disparitions d’enfants. Elle se limite à confier à la Commission le soin de réaliser une étude portant sur le rôle exact des organismes issus de la société civile. Cette étude a conduit le Conseil à déterminer prochainement les standards nécessaires pour optimaliser les informations communiquées par les autorités répressives. L’idée de la mise en place d’un observatoire national initialement prévu par la présidence belge n’a pas été retenue.
Suite à cette résolution, la Commission entend présenter une communication sur la participation de la société civile à la recherche des enfants disparus.
PERSPECTIVES
La protection des enfants constitue un thème majeur de l’action de l’Union. Celle-ci trouve son centre de gravité dans le troisième pilier dans le dispositif pénal mis en place par le biais de la décision-cadre adoptée le 22 décembre 2003.
Le Parlement européen occupe un rôle essentiel en faveur de la protection des enfants. Il a multiplié les initiatives notamment par :
– la création de la Charte européenne des droits de l’enfant; (résolution du 18 juillet 1992)
– l’octroi d’un droit de séjour pour les victimes dont le rapatriement risque de menacer gravement leur vie et de les exposer à une nouvelle situation d’exploitation; (résolution du 18 janvier 1996)
– l’établissement d’un réseau européen d’associations pour les enfants disparus; (résolution du 30 mars 2000, rapport KLAMT)
– l’enregistrement des témoignages des enfants sur support vidéo; (résolution du 12 juin 2001, rapport KARAMANOU)
– la mise en place de registres des individus condamnés pour des délits sexuels. (résolution du 12 juin 2001, rapport KARAMANOU)