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USA — Quelle suite pour la Birmanie?

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QUELLE SUITE POUR LA BIRMANIE? [[Traduit de l’Anglais par Hélène LE, pour www.buddhachannel.tv ]]


08.04.2008

New York, USA – Six mois auparavant, le monde était spectateur d’une tentative courageuse conduite par des moines bouddhistes, pour remplacer une dictature militaire par la démocratie. Mais qu’en est-il de la situation en Birmanie aujourd’hui?

free-burma-gif.gifCes derniers temps, l’attention du monde s’est fermement focalisée sur le Tibet tandis que la situation critique du peuple birman semble avoir été oubliée.

Et encore une fois, rien ne s’améliore dans ce pays. Bien loin de là. Au dire d’un leader bouddhiste renommé, la situation se détériore depuis six mois, depuis la répression sanglante contre le mouvement pro-démocratique.

De nombreux moines ont été forcés de fuir vers la Thailande et la Malaisie à cause des persécutions politiques. La dictature est largement accusée d’avoir organisé disparitions, meurtres et torture.

Tout ceci semble se poursuivre en dépit d’une annonce par la junte militaire de la tenue le mois prochain, d’un référendum sur la nouvelle constitution suivi d’élections en 2010.

Le média d’état rapporte que « le temps est venu de changer le régime militaire en un régime démocratique civil ». Si l’on considère les nombreuses promesses non tenues de la junte, l’annonce de restaurer un régime démocratique civil a été reçue dans le meilleur des cas, avec grand scepticisme.

Le processus d’ébauche de la constitution a été soigneusement élaboré depuis 1993 et comme on pouvait s’y attendre, cette dernière ne comprend aucune contribution du public : au lieu de cela elle a été conçue par une assemblée triée sur le volet, sans la participation de la principale opposition démocratique du pays ni de son leader Aung San Suu Kyi.

De fait, l’ébauche de constitution l’exclue du gouvernement car elle était mariée à un étranger. Il est déjà évident que la constitution assurera aux forces armées la main mise sur le pouvoir en Birmanie, ainsi que 25 pour cent des sièges au sein du nouveau parlement.

Des civils pourront entrer au parlement, mais à l’unique condition qu’ils fassent montre de déférence envers les dirigeants militaires. Elle permet en outre des restrictions rigoureuses à l’égard de toute activité jugée « hostile à l’unité nationale », ce qui comprend un large éventail de critiques et dissidences.

En effet, critiquer cette ébauche est punissable de 20 ans de prison, et critiquer le référendum, de trois.

La question de savoir comment un vote libre se déroulera dans un tel climat reste une énigme, et – sans surprise – l’ébauche de constitution a été dénoncée par les critiques comme une ruse pour renforcer le pouvoir de la junte. Le rejet de la proposition de l’ONU d’envoyer des surveillants internationaux n’a fait que confirmer les suspicions.

Le leader âgé de 75 ans, Than Shwe, a déclaré devant des diplomates, que le régime militaire qui dirige la Birmanie depuis 45 ans a maintenant « l’objectif sincère de développer le pays sans aucune soif de pouvoir ».

Toutefois, il n’a fait aucune référence à l’oppression sanglante que son régime est encore en train de perpétrer, et on se demande qui il croit encore tromper avec de telles déclarations.

Le monde se rappelle encore des milliers de Birmans descendus dans les rues, avec nombre de revendications reflétant l’insatisfaction étendue à l’égard du régime militaire trop longtemps maintenu, et des politiques alors en cours, de Paix de l’État et de Développement du Conseil.

Au moins 227 manifestations distinctes dans 66 villes ont eu lieu, qui auront officiellement fait 15 morts (des estimations indépendantes ont relevé au moins le double de ce nombre). Près de 6000 personnes ont été arrêtées, dont 1400 moines. On estime à 700, le nombre de moines et manifestants encore détenus.

Le « Conseil d’État pour la Paix et le Développement » actuellement en place, a nié connaître la majorité des personnes qu’il a tuées lors des manifestations. Rien n’a été tenté pour identifier les morts, rendre les corps aux familles ou même respecter le minimum des rites funéraires bouddhistes.

Au lieu de cela, de nombreux témoignages ont révélé une stratégie de déplacement systématique des corps, afin de dissimuler l’étendue des violences. L’Unité de Documentation des Droits de l’Homme de la Coalition Nationale du Gouvernement de l’Union birmane fait mention dans Bullets in the Alms Bowl, à des compte-rendus persistants attestant que le crématorium de Ye Way dans le Nord de la province d’Okkalapa, a été utilisé par les forces de sécurité, du 27 au 30 septembre, certainement pour y disposer les corps des tués.

En réprimant des moines, la junte a pris un risque calculé lorsque les violences contre les leaders spirituels du pays visaient à enflammer l’opinion populaire. Les moines birmans sont extrêmement respectés dans la société birmane.

Considérés comme les « fils de Bouddha », ils représentent la plus forte institution de Birmanie, derrière l’armée. Bien que le code monastique bouddhique interdise l’implication des moines dans la politique mondaine, ils ont joué un rôle social et politique important dans l’histoire.

Durant la gouvernance britannique pour exemple, ceux que l’on nommait les « moines politique » jouèrent un rôle important dans la mobilisation de l’opposition contre les excès coloniaux. Après l’indépendance, les organisations monastiques poussèrent les nouveaux dirigeants à faire du Bouddhisme la religion d’état.

Les tentatives dans les années 1960 et 70, de renforcer le contrôle sur le Bouddhisme ont rencontré une résistance acharnée et la communauté bouddhiste jeune et active de Birmanie, au nombre d’environ 300 000, entretint une relation explosive avec les généraux au pouvoir.

Lors des marches démocratiques de 1988, l’Union des Moines indépendants émergea afin de soutenir les étudiants. Le régime répondit en publiant des décrets destinés à garder les moines qui s’étaient alignés, et bannir toute organisation bouddhiste indépendante.

Ces deux dernières décennies, les moines ont observé un boycott religieux du régime et refusé l’aumône du régime militaire ou ont simplement retourné leurs bols au lieu de recevoir nourriture et donations. Mais en gardant impitoyablement une implication monastique minimale dans la politique depuis 1988, le rôle des moines à la tête des manifestations récentes a surpris beaucoup de monde, y compris le gouvernement.

Le spécialiste de la Birmanie Michael Charney souligne : bien que l’on puisse croire que l’État soit parvenu à intimider les moines jusqu’à les soumettre, ils ont survécu par le passé à des épisodes bien plus graves de persécution.

« Etant donné leur importance dans la société bimane et l’endurance qu’ils ont montré lors des précédents troubles politiques, il serait stupide de penser qu’ils ne rebondiront pas sur cet actuel échec. » explique t-il.

Les autorités ont résolument tenté d’étouffer les protestations et des espions ont systématiquement détenu des milliers de personnes soupçonnées d’avoir participé aux manifestations.

La colère flotte encore à la surface, et c’est même le cas pour nombre de personnes auparavant apolitiques.

La répression a altéré le dynamisme birman, et le futur du pays est encore incertain. Le degré de peur, mais aussi de colère est sans précédent.

Plus important, suite à l’indignation internationale face au comportement brutal du régime militaire, des signes montrent que les divergences ont cru au sein de l’armée elle-même.

Tout gouvernement en Birmanie, depuis la monarchie a cherché sa légitimité auprès de la Sangha bouddhiste. Beaucoup dans l’armée, sont tourmentés par la culpabilité et honteux d’avoir battu et tué des moines.

On ne dénote pas encore de séparation ouverte, mais il y a eu des dissensions liées à une mauvaise gestion et la corruption. La nouvelle génération de généraux commence lentement à réaliser que le changement est inévitable.

Quant à savoir à quelle moment il aura lieu, il s’agit là d’une toute autre histoire.


Par Carole Reckinger

Source : www.NewStatesman.com

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