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L’Abbé Pierre – un an sans lui

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L’ABBE PIERRE

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De son vrai nom Henri Grouès, l’Abbé Pierre est une des personnalités les plus attachantes et respectées de France. Etre humain d’une grande authenticité, empli de force et de foi, le curé au béret noir a lutté toute sa vie pour les « cabossés de la vie ». Il a su montrer au travers de solutions concrètes comment incarner l’amour et la compassion, sans culpabiliser ni accabler, en prônant l’entraide, la solidarité, pour un monde plus juste, acteur du recul de sa souffrance.

Dans sa traversée du 20ème siècle, il fut moine, résistant, député et surtout « prophète social ».  Il disait de lui-même : «De temps en temps, faire ce qui ne se fait pas, ça fait du bien (…). Je crois que le Bon Dieu m’a donné le flair des insolences mesurées.»…
Henri Grouès nait le 5 août 1912 à Lyon. Il est le cinquième des huit enfants d’une famille aisée. Il découvre la misère et la charité avec son père qui l’emmène à la confrérie des « Hospitaliers Veilleurs »,  où les personnes aisées et riches se mettent au service des plus pauvres. Quelques années plus tard  il décide, à la suite d’un voyage à Assise, de s’engager sur les traces de Saint François.

 « J’ai été marqué par une parole de St François. Elle remonte au temps où St François, ce fêtard invétéré est convalescent et entre dans la solitude. Un jour, un de ses amis de découvre en larmes au bord de la route, et François lui déclare : « L’amour n’est pas aimé ». Ces mots m’ont marqué pour toujours, comme au fer rouge. »

A 19 ans, il renonce à sa part d’héritage,  qu’il distribue à des œuvres de charité et entre chez les capucins, le plus érémitique des ordres franciscains.

Il est ordonné prêtre en 1938. Mobilisé quelques mois plus tard en Alsace, il est rendu à la vie civile au début de 1940, suite à une pleurésie. Il devient vicaire de la cathédrale Saint-Joseph de Grenoble. Un soir de juillet 1942, le lendemain de la rafle du Vél’ d’Hiv’, deux juifs pourchassés par la gendarmerie française frappent à sa porte pour lui demander asile. Très vite, il organise une filière de fabrication de faux papiers et d’évasion vers la Suisse.

« Je menais une double vie, sans dormir plus de quatre heures par nuit, jusqu’à mon entrée dans la clandestinité. Celle-ci a duré 23 mois. »

A plusieurs reprises, avec l’aide d’un guide de haute montagne, il fait passer des cordées de fugitifs par le glacier du Trient, à 3 200 mètres d’altitude. A la même période, il participe à l’organisation d’un maquis en Chartreuse et dans le Vercors. Il y rencontre Lucie Coutaz, sa future secrétaire.  En 1944, repéré par les allemands,  il rejoint la France libre à Alger où il rencontre le Général De Gaulle.

Rentré à Paris à la fin de la guerre, il se lance en politique. De 1945 à 1951, il est député de Meurthe-et-Moselle, tout d’abord en tant qu’indépendant, puis sous l’étiquette du Mouvement républicain populaire (parti des démocrates-chrétiens issus de la Résistance). Cependant, selon son propre aveu, il fut un député médiocre. 


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C’est en 1949 qu’il fonde la communauté d’Emmaüs, à Neuilly Plaisance, qui vient en aide aux plus démunis. Les compagnons deviennent chiffonniers, récupèrent des trésors dans les poubelles, déménagent les caves et les greniers. 


Pour récupérer des fonds, l’abbé Pierre participe en avril 1952 au jeu vedette de Radio Luxembourg (future RTL), le  « Quitte ou double ». Il répond avec succès  à 11 questions successives, et gagne 256 000 francs (environ 45 000 euros). Il demande alors à poser une question aux auditeurs: 

« Combien allez-vous m’envoyer pour bâtir des logis aux sans-abri ? Car, si j’ai pu vous amuser, j’en suis heureux, mais ce n’est pas pour m’amuser que je suis venu. »

Pendant l’hiver 1953-1954, le thermomètre descend à 30 degrés au-dessous de zéro en Alsace. A Paris, où 2 000 personnes couchent dehors chaque nuit, il fait – 15 degrés. Au début de janvier, un bébé de 3 mois meurt de froid dans un bus désaffecté, en banlieue. Au même moment, les députés refusent de débloquer 1 milliard de francs pour construire des cités d’urgence au profit de la guerre d’Indochine. Le fondateur d’Emmaüs obtient du ministre du Logement, Maurice Lemaire, qu’il vienne assister aux obsèques du nourrisson. 

« Monsieur le Ministre, le petit bébé de la cité des Coquelicots, mort de froid dans la nuit du 3 au 4 janvier, pendant le discours où vous refusiez les « cités d’urgence », c’est à 14h jeudi qu’on va l’enterrer. Pensez vous à lui ? Ce serait bien si vous veniez parmi nous à cette heure-là. On ne vous recevrait pas mal, croyez-moi. On sait bien que vous « ne vouliez pas ça », en renvoyant à dans trois ans ceux qui couchent sous les ponts au sortir des usines ».


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Le 31 janvier, l’abbé est à Courbevoie (Hauts-de-Seine), où vient d’ouvrir le premier comité de secours aux sans-abri. Le lendemain, il apprend qu’une femme est morte gelée dans la nuit. Le premier Février, il lance son appel sur Radio-Luxembourg  : 

« Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée cette nuit à 3 heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée. Devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre les hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous en prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France, merci ! Chacun de nous peut venir en aide aux sans-abri. Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : 500 000 couvertures, 300 grandes tentes américaines, 200 poêles catalytiques. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse, ne couchera ce soir sur l’asphalte ou les quais de Paris. Merci ». 

Le lendemain, la presse titre sur « l’insurrection de la bonté », et début Mars, l’appel de l’Abbé Pierre aura rapporté 500 millions de francs en dons, dont 2 millions par Charlie Chaplin.

La prospérité de la France des trente glorieuses relègue au second plan son combat pour les sans logis. Mais commence alors pour lui une « carrière » internationale…  En 1971, Emmaüs international est crée. Il revient sur le devant de la scène nationale au tournant des années 80, avec le retour de la crise, et les « SDF ».

En avril 1996, il apporte son soutien à un vieil ami, Roger Garaudy, philosophe ex-communiste, qui vient de publier Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, un ouvrage négationniste. Devant le tollé, l’abbé précise qu’il n’a pas lu intégralement le livre, mais refuse de se déjuger. Il est alors exclu du comité d’honneur de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). L’archevêque de Paris, le Cardinal Lustiger, lui demande de se retirer de la vie médiatique. Après quelques hésitations, L’abbé Pierre retire ses propos dans une courte déclaration au quotidien « La Croix », en laissant  « Dieu seul juge des intentions de chacun ». 
Malgré cette affaire,  l’Abbé Pierre ne perd pas sa popularité. A 17 reprises, il a  décroché la première place du classement des personnalités préférées des Français établi par Le Journal du dimanche. En janvier 2004, 50 ans après son appel, l’abbé  demande à ne plus figurer dans ce palmarès, afin de « laisser la place aux jeunes ».

Quelques jours plus tard, le 1er février 2004, cinquante ans après son appel historique, devant 6000 personnes rassemblées au Trocadéro, il pousse encore un cri d’amour en faveur des exclus, « pour éviter que notre inaction ne devienne un crime contre notre humanité ». 

En Octobre 2005, l’Abbé Pierre surprend encore. Dans son livre « Mon Dieu… pourquoi ? (Plon), il raconte avoir eu des relations sexuelles, aborde les sujets les plus tabous au sein de l’église catholique, le mariage des prêtres et  l’ordination des femmes. Il s’interroge également sur la virginité de Marie et le rôle de Marie Madeleine auprès de Jésus.

Il nous a quitté il y a presque 1 an, le 22 Janvier 2007, à l’hôpital du val de Grâce de Paris, suite à une infection du poumon droit. Il avait 94 ans. 

Puissent les citations qui suivent vous faire partager quelques éclats de sa vie et de sa force de donner.


« Quand tu goûtes comme c’est bon d’avoir aimé, c’est alors que l’on rencontre l’Eternel, indépendamment de toute religion (…) il n’est pas nécessaire d’avoir la foi pour en être conscient »

 

« On ne possède vraiment que ce que l’on est capable de donner. Autrement on n’est pas le possesseur, on est le possédé. »

(Dieu et les Hommes / 1993)

« Je ne crois pas à Dieu. Je ne crois pas en Dieu. Je crois en Dieu Amour en dépit de tout ce qui semble le nier. C’est son Etre même d’être Amour, c’est sa substance. C’est pourquoi, je suis convaincu que le partage fondamental de l’humanité ne passe pas entre ceux que l’on dit croyants et ceux que l’on nomme ou qui se nomment eux-mêmes non-croyants. Il passe entre les « idolâtres de soi » et les « communiants », entre ceux qui devant la souffrance des autres se détournent et ceux qui luttent pour les libérer. Il passe entre ceux qui aiment et ceux qui refusent d’aimer. »
(Mémoires d’un croyant / 1997)


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Ange des riches, anges des désolés

Anges de tous les fils de l’homme, regardez !

Ça  fait trop mal, on n’en peut plus dormir.

Anges, grondez, tonnez, frappez.

Il y a trop de larmes et de ventres creux

et de dos grelottants et de mains vides…parmi trop de ventres trop pleins…


Sophie Alvarez pour www.buddhachannel.tv

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