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Kalmoukie : rivalité entre la Chine et le Dalaï Lama

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18.08.2004

La lutte d’influence entre la Chine et le Dalaï-Lama ne se joue pas seulement au Tibet: la visite d’une délégation chinoise en Kalmoukie au mois de juin s’inscrit apparemment dans cette stratégie.

Le temple bouddhiste de Sakyusun Sume.
Le temple bouddhiste de Sakyusun Sume.
Comme le rappelait un article de Paul Roth sur le bouddhisme en Russie dans le mensuel de langue allemande Glaube in der 2. Welt (février 2004), le bouddhisme peut être considéré comme l’une des religions traditionnelles de la Russie et a d’ailleurs officiellement été inclus dans cette catégorie par la loi de 1997 sur les religions. Mais l’impératrice Elisabeth avait déjà reconnu en 1741 la « croyance lamaïque ». A la fin du 19e siècle, 440.000 bouddhistes vivaient en Russie, et un temple bouddhiste fut inauguré à Saint-Pertersbourg en 1915.

Les bouddhistes subirent de sévères persécutions durant la période stalinienne: en 1941, il n’existait plus aucune communauté bouddhiste officielle sur territoire soviétique. Il fut cependant possible après la guerre d’établir à nouveau quelques institutions, sous l’étroit contrôle du régime. Aujourd’hui, le nombre des bouddhistes en Russie est évalué à 500.000, voire même à un million par certaines sources.

Si l’on exclut les cas de conversions au bouddhisme ou d’étrangers venus de pays traditionnellement bouddhistes, cette présence bouddhiste est largement liée à des appartenances ethniques et se concentre dans quelques régions: la Bouriatie, Touva et la Kalmoukie. Comme le souligne Roth, il s’agit d’un bouddhisme de tradition lamaïque, venant du Tibet et de la Mongolie. Il s’agit de l’école Gelugpa, dont le chef porte depuis le 16e siècle le titre de Dalaï-Lama.

Installés dans la région de la basse Volga, les Kalmouks sont le seul peuple d’Europe à parler une langue mongole et à être de tradition bouddhiste, fait observer le Dictionnaire de géopolitique (Flammarion, 1993). Même si la population y restait majoritairement fidèle au bouddhisme, la pratique y était sévèrement restreinte. Mais, à partir de la fin des années 1980, la perestroïka permit une renaissance du bouddhisme: au milieu des années 1990, on dénombrait déjà quatorze monastères et temples.

Malgré 5.000 kilomètres de distance, les liens avec le Tibet préexistaient donc à la période soviétique (envoi régulier d’émissaires du Dalaï Lama aux Kalmouks dès 1898) et ont repris dès la fin de cette période: le Dalaï Lama fit une première visite en Kalmoukie en 1991.

Cela n’a pas manqué d’attirer l’attention des autorités chinoises. Selon le Tibet Information Network (TIN, 12 juillet 2004), une récente visite d’une délégation tibétaine chaperonnée par des diplomates chinois en Kalmoukie s’inscrirait dans le contexte de cette lutte d’influence.

Dirigée par Jampa Phuntsog (nom chinois: Qiangba Puncog), chef du gouvernement de la République autonome du Tibet, et accompagnée par Liu Guchang, ambassadeur de la République populaire de Chine à Moscou, la délégation – composée de huit personnes – a annulé une visite prévue au temple de Sakyusun Sume, centre du bouddhisme en Kalmoukie, à la suite du refus de Telo Rinpoche, chef de l’Union bouddhiste kalmouke, d’en retirer les portraits du Dalaï Lama.

Il faut dire que les autorités chinoises font pression – avec succès pour le moment – sur les autorités russes pour que le Dalaï Lama ne reçoive plus de visa d’entrée afin d’aller visiter ses fidèles kalmouks: à deux reprises depuis 2001, des demandes formulées par les Kalmouks ont été refusées.

Selon l’analyse du TIN, la délégation chinoise aurait voulu, par son exigence, tester dans quelle mesure les Kalmouls seraient disposés à céder à l’insistance des visiteurs ou feraient passer avant tout leur vénération pour le Dalaïa Lama.

La visite a cependant été l’occasion pour les diplomates chinois et la délégation tibétaine d’essayer de développer en Kalmoukie différents contact en vue de développer de possibles coopérations. Un soutien à un institut kalmouk d’histoire – qui possède notamment une collection de documents sur les relations entre Kalmoukie et Tibet – semble destiné à être l’un des premiers projets dans le cadre de cette coopération. La construction d’un lieu de culte en mémoire des pèlerins kalmouks a également été promise par les autorités chinoises – un temple où il est peu probable que l’on trouve un portrait du Dalaï Lama, note ironiquement l’article du TIN.

La délégation a eu l’occasion de rencontrer le président de la Kalmoukie, Kirsan Ilyumzhinov, qui avait été à l’origine de la visite au cours d’un voyage qu’il avait effectué en 2003 au Tibet, ainsi que le Parlement kalmouk. Le président Ilyumzhinov soutient activement le bouddhisme dans sa république, où il a un statut de religion officielle. Il a également rendu visite au Dalaï Lama et aux réfugiés tibétains en Inde.


Source : religion.info

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