Thein Sein est venu à Paris, du 16 au 18 juillet. Officiellement, il est le président de la République de l’Union du Myanmar. Pour la diplomatie française, le Myanmar reste la Birmanie, mais outre cela, Thein Sein, général devenu président d’une junte qui se mue péniblement et imparfaitement en démocratie, pose un gros problème.
Il y a dans son pays plusieurs drames humanitaires, dont l’un ne saurait être ignoré: l’expulsion à coup de machettes, de flammes et de balles de milliers de Birmans de leurs foyers.
Des Birmans atypiques: une ethnie indo-aryenne par la langue (proche sans être inter-intelligible du bengali), et musulmane par la religion. Les Rohingya, voilà leur nom, descendants de générations immémorielles d’habitants de cette région d’Arakan, région qu’ils partagent avec une ethnie bouddhiste, les Rakhine.
Estimés autour du million en Birmanie, les Rohingya composent la principale ethnie musulmane, et ils sont des milliers à fuir depuis des mois, par terre et surtout par mer, essentiellement en direction du Bangladesh voisin.
C’est là qu’ils sont parqués, ou refoulés. Ils sont ethniquement proches de certains groupes du Bangladesh, mais ne sont nullement des ressortissants réels ou virtuels de cet État. Signalons que l’ethnie centrale, géographiquement et politiquement, est celle des Bamar. Thein Sein est Bamar, tout comme Aung San Suu Kyi.
National-bouddhisme
Les mosquées rohingya les plus anciennes, parfois multiséculaires, sont détruites avec soin. Parfois remplacées par des pagodes. La Birmanie est recouverte de pagodes, plus que de raison, depuis plusieurs décennies. La junte, c’est elle qui l’a voulue, a poussé cette société à 95% bouddhiste à une espèce de national-bouddhisme.
Thein Sein est un général issu du cœur de cette junte, éventuellement est-il le plus éclairé de ses membres, mais de là à supposer qu’il soit le moins informé… Éventuellement n’est-il pas l’ultime homme fort du régime mystérieux.
Dernièrement, des Rakhine arrivent dans les quartiers Rohingya, brûlent, pillent, violent, tuent, expulsent. Deux cents morts en un an, sans doute davantage. Des milliers d’expulsés. C’est du nettoyage ethnique mené par des foules rakhine bouddhistes fanatisées agissant dans l’indifférence – voire la complicité – des diverses polices.
Les Rohingya ont le triste privilège d’être méprisés, considérés comme des étrangers, des immigrés, des djihadistes, etc. Certes, à l’occasion, certains se vengent sur un passant rakhine, déplorablement. Mais les proportions sont dérisoirement inégales.
En France, le président Thein Sein a évité le cœur du sujet: une mauvaise propagande s’acharne contre lui, « une entreprise de dénigrement », et en outre « il n’y a pas de nettoyage ethnique au Myanmar ». Il l’a dit à France 24, unique média français qu’il a daigné rencontrer lors de cette visite française, média qui lui a d’ailleurs posé la question Rohingya sans détour.
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