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Les soldats japonais de Bouddha

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LES CROCS ET LES GRIFFES DU BOUDDHISME

[[Traduit de l’Anglais par Hélène LE, pour www.buddhachannel.tv ]]
[[Monastic Warriors and Sohei in Japanese History, by Mikael S. Adolphson. Honolulu: University of Hawai’i Press, 2007, 214 pp., with 32 illustrations and maps, $ 36 (cloth)]]


THE_TEETH_AND_CLAWS_OF_BUDDHISM_Michael_S._Adolphson.jpgBouddha de crocs et de griffes est une image quelque peu inattendue. Car les religions se présentent souvent de manière bienveillante. Or en réalité, elles sont aussi belligérantes et on les a souvent vu contracter les muscles. Parmi tant d’exemples, il y a ces guerriers monastiques du Japon, des soldats de Bouddha, combattant à leur façon, durant les périodes Heian (794-1185) et Kamakura (1185-1333).

Nous les trouvons pour beaucoup dans un ancien texte et parchemin. Dans « L’Histoire Heike » ils descendent des hauteurs sur le mont Hiei, et tombent plus bas sur le temple Kiyomizu, et nous entendons l’Empereur Go-Shirakawa geindre que les trois choses qui échappent à son contrôle sont le Fleuve Kamo, le jeté de dés, ainsi que « les religieux des montagnes ».

Leur férocité était souvent telle que, du mot même de l’auteur de cette étude intelligemment déconstruite sur ces groupes militaires : « On pourrait même arguer que les croyances religieuses ont souvent été utilisées autant pour excuser la violence que pour la condamner ».

En effet, il continue : « le Bouddhisme au Japon ne semble pas différent du Christianisme en Europe… ou de l’Islam en Asie Mineure, les guerriers monastiques japonais n’apparaissent pas non plus différents des croisés européens ou des Maures espagnols. »

C’est là toute la portée de son argument — les moines militaires étaient des soldats, tout comme les Samouraïs, mais leur véritable rôle a été obscurci et d’une certaine façon construite.

Il y a des raisons à cela. Parmi elles, la croyance moderne que la religion et la politique doivent être séparées, ce qui n’était en aucun cas de mise jadis. Dans un même temps, il y a l’idée que le Bouddhisme traversait une période de dégénérescence pendant laquelle il a échoué à vaincre du belliqueux.

Une des conséquences fut que ceux qui s’étaient armés et battus au nom des temples durent être relégués à l’obscurité historique. Des sources ont été perdues ou sont rarement consultées, et des chercheurs et historiens ont fait grand nombre de généralisations, concernant seulement l’identité de ces samouraïs « sacrés ». Comme pour dissimuler un manque de connaissance, un néologisme fut crée au 14ème siècle et le temple voyou fut associé à l’image du sohei, le guerrier saint.

« En bref », explique l’auteur, » l’idée des guerriers monastiques fondamentalement différents des autres guerriers est plus basée sur les constructions de l’observateur plutôt que sur les circonstances sociétales dans lesquelles ces personnages ont vécu ».

Un exemple, pleinement développé dans le texte, le plus fameux sohei, le guerrier militaire Saito Musashibo Benkei (1155-1189). C’est lui qui a enseigné au jeune Minamoto no Yoshitsune (1159-1189) la manière d’user de son épée. Il a ensuite suivi Yoshitsune bataille après bataille. Sa dévotion exemplaire lui a valu une grande considération et il survit encore dans une variété de produits, dont des marques de saké, des poupées Benkei , un manga, et les noms des salons pachinko.

Il est, en même temps, un concept, forgé par les pressions sociales des générations suivantes. Les sohei sont non seulement dénigrés comme des moines « démons » et utilisés par les politiciens jusqu’à l’ère Meiji (1857-1912), mais l’un des leurs doit aussi être réhabilité du à sa démonstration de loyauté militaire. C’est peut-être cette double valeur qui a assuré la popularité utile de Benkei.

Aussi intéressant soit-il, ce récit fera souvent appel à d’autres chercheurs (qui seront sans doutes plus attentifs après l’avoir lu) et aux étudiants en Histoire. Les étudiants en critique, dont je fais partie moi-même, trouveront leur plus grand intérêt dans sa démonstration des techniques de déconstruction — une critique de ces concepts et hiérarchies qui sont essentiels aux critères traditionnels mais qui, néanmoins, accèdent à leur statut seulement en réprimant d’autres éléments qui sont ensuite « oubliés ».

En nous dispensant ce cours pratique de démonstration des théories déconstructives de Jacques Derrida et al., Mikael Adolphson nous offre ici une image de la destruction des mercenaires bouddhistes, la construction du sohei immaculé, et la montée d’un Benkei purement industriel.

Par Donald Richie
Source : The Japan Times


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