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Sauce soja pressée à la main depuis 1841

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21.10.2010

soy_sauce_picture.jpgAvec un peu de chance, les amateurs de cuisine japonaise ayant visité le Salon international de l’agroalimentaire (SIAL), qui devait fermer ses portes jeudi 21 octobre, ont pu y croiser Tsunenori Kano, représentant de la 7e génération du fabricant de sauce soja Kadocho, sis à Yuasa, préfecture de Wakayama, depuis la douzième année de l’ère Tenpo (1841). L’homme était à Paris pour présenter ses produits, les seules sauces soja (shoyu en japonais) encore préparées de manière artisanale.

Dans l’Archipel, 1 600 sociétés assurent la production de la sauce soja, en baisse lente mais régulière, qui dépasse les 900 millions de litres par an. Chaque Japonais en consomme 7 litres. La découverte de cette sauce japonaise remonterait au XIIIe siècle. En 1230, le moine bouddhiste Hotto Kokushi part pour la Chine après une initiation dans les temples du mont Koya, lieu sacré au cœur des montagnes de la préfecture de Wakayama. En Chine, il passe plusieurs années à étudier au Kinzanji, le temple de la montagne d’or, l’un des cinq plus importants centres du bouddhisme zen de la dynastie Song (960-1279). Il y apprend la recette de la pâte miso, également réalisée à base de soja. De retour au Japon, il commence la production du miso Kinzanji de Yuasa, village proche de la mer, bâti le long de la rivière Yamada, dont l’eau est d’une grande pureté.

Bois de cèdre

Kokushi aurait, par la suite, découvert que le dépôt liquide de la préparation avait bon goût et constituait un assaisonnement de choix. Débute alors la production de shoyu, qui porte alors le nom de tamari, dérivé du verbe tamaru (s’accumuler, s’amasser). Apprécié, le tamari est même baptisé murasaki (violet), la couleur de l’aristocratie et le nom toujours attribué aux meilleures sauces soja.

Yuasa compte, au début de la période d’Edo (1603-1868), 400 fabricants de shoyu, que l’on achemine alors par bateau vers les îles de Kyushu et Shikoku. La cour impériale de Kyoto en raffole. La découverte d’un processus de chauffage au bois permet d’améliorer sa conservation et de l’exporter de plus en plus loin. Chez Kadocho, on affirme que « le roi Louis XIV a eu l’honneur de goûter la sauce soja de Yuasa ».

Il ne reste que quelques producteurs de sauce soja à Yuasa, dont Kadocho, certainement le plus réputé. Son atelier fonctionne toujours comme en 1841. Les petits bâtiments de bois abritent d’imposantes cuves en bois de cèdre où fermente pendant des mois un mélange de blé de Gifu, de soja d’Okayama, de sel et d’eau. Le filtrage et l’extraction de la sauce se font encore au moyen d’une presse actionnée manuellement. La production reste modeste : 400 bouteilles de 1,8 litre par jour. Avec des notes différentes. L’une des plus recherchées, la nigori, reproduirait le goût qu’avait la sauce durant la période Muromachi (1333-1573).


Philippe Mesmer (Tokyo Correspondance)

Source : www.lemonde.fr

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