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Jacques Brosse — Faut-il avoir Peur de la Mort?

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FAUT-IL AVOIR PEUR DE LA MORT? [[Sélection d’Antoine Ginekis, pour www.buddhachannel.tv ]]



jacques_brosse2-5.jpg« En prologue, je voudrais rappeler un texte aujourd’hui disparu, la réponse que j’ai donnée, il y a quelques années, à une enquête sur la mort. Cette réponse je la donnerais encore si l’on m’interrogeait (…). J’y disais entre autres :



« De quoi au juste, avons-nous peur ? Des souffrances de l’agonie ? Soit ! Parce que nous les imaginons maintenant. Mais, le moment venu, elles ne seront plus telles, nous ne serons plus tels pour les vivre. Et puis on sait aujourd’hui comment les rendre supportables. En fait, ce qui nous hante, c’est la perspective de notre anéantissement, comme si nous devions être les témoins horrifiés de la corruption de notre cadavre. Et qui donc sera là ? Qui aura conscience de n’être plus ? Si nous avons peur, c’est que nous n’osons pas regarder la mort en face.



On meurt parce que l’on naît ; parce que nous sommes composés, nous nous décomposons. Ne sont-ce pas des évidences imparables ? La mort est tout simplement un processus biologique, elle fait partie de la vie, elle n’en est pas distincte. A tout instant nous mourons ; chaque matin, nous ressuscitons. Un jour, nous oublierons de nous réveiller.



De toutes manières, la peur de la mort ne peut que nous empoisonner la vie, irrémédiablement, jusqu’à ce que nous arrivions à comprendre qu’il ne s’agit que d’un fantasme, le fantôme qui naît dans le noir de la peur d’avoir peur de l’enfant. »


Si j’ai pu en parler avec un tel détachement, c’est qu’un jour j’ai vu la mort en face. J’avais vingt ans. A la suite d’une chute de vélo qui m’avait ouvert les artères des deux bras, j’avais perdu du sang, des quantités de sang. On m’avait étendu à l’ombre d’un pommier en fleur, dans la campagne normande, et l’on était allé chercher du secours. C’était un dimanche après-midi de juillet. Le médecin n’est arrivé que plus d’une heure après.



Je me voyais sous un pommier en fleur, près du champ de bataille de Vieil-Beaugé. C’était le dimanche de Pâques fleuries de l’an du Seigneur 1422. J’avais été blessé d’un coup de lance à la gorge. J’expirais, mais je n’avais pas peur. Je me vidais de moi-même. C’était tout simple, il n’y avait qu’à se laisser faire. Je ne me demandais pas ce qui pourrait m’arriver après, il n’y avait pas d’après. Je fus tiré de cette rêverie par le médecin qui me faisait mal. Alors mes souffrances ont commencé. »



Pourquoi_Naissons_Nous-2.jpgExtrait de Pourquoi Naissons-Nous? Et autres Questions Impertinentes, de Jacques Brosse, aux éditions Albin Michel.

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