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Les Royaumes aurifères d’El Dorado et d’Ophir

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« Eldorado: Pays, lieu, endroit, imaginaire ou réel, où rien ne manque, tant les richesses que les plaisirs. »

Trésor de la langue française



Qui n’a jamais employé cette image pour faire venir à soi la douce mélodie de l’inaccessible…



La légende de la contrée aurifère fameuse pour avoir inspiré Voltaire et bien d’autres, prend ses racines dans la légende locale.

« El dorado » s’écrit en réalité en deux mots que la langue française a unis.

En Espagnol, ils signifient « le doré ».





LA CONSTRUCTION DU MYTHE


Francisco_de_Orellana.jpgLa dernière interprétation connue nous est rapportée par l’archevêque Gaspar de Carbajal faisant le récit de l’explorateur espagnol Francisco de Orellana.

Celui qui a baptisé le grand fleuve « Amazone » révèle l’existence d’une contrée mythique regorgeant d’or et supposée se trouver en Amérique du Sud.

Il part en février 1541 de Quito et rejoint Gonzalo Pizarro pour une expédition dans l’intérieur du continent, à la recherche de la cannelle, qui valait alors plus cher au poids que l’or en Europe.

Ils franchissent les Andes et atteignent le río Napo, après avoir perdu 140 des 220 Espagnols et 3000 des 4000 Indiens de l’expédition.
Les survivants ne découvrent que de faux canneliers, ce qui attisent la colère de l’explorateur envers les guides indiens qu’il fait brûler ou dévorer par ses chiens.

En février 1542, Pizarro retourne à Quito tandis qu’Orellana continue.



Il n’est pas impossible que l’or d’Orellana soit en réalité de la cannelle.

Car les épices avaient la prédominance des esprits européens, et la cannelle en l’occurrence était considérée comme un véritable trésor.

Or le récit qu’Orellana fait d’El Dorado trouve sa source dans son premier voyage motivé on le sait, par la quête de canneliers.


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… à la recherche de la cannelle, qui valait alors plus cher au poids que l’or en Europe.




Mais au départ, « El dorado » fait en réalité référence à un homme.

En 1537, après la fuite des derniers incas dans les montagnes de Vilcabamba, l’officier espagnol Luiz Daza entend, à Latacunga, à 1.500 kilomètres au nord de Cuzco, l’histoire d’un Indien, qu’un interprète lui traduit du Quechua en Espagnol.

La légende raconte qu’au bord d’un lac sacré, caché dans les forêts, un peuple d’Amérique avait pour coutume de recouvrir son nouveau souverain de poussière d’or lorsque celui-ci montait sur le trône.

La cérémonie était suivie d’une offrande faite aux dieux: le roi s’en allait dans un magnifique radeau au son des flûtes et des conques marines.

Une fois arrivé au milieu du lac, ses hommes y jetaient de grandes corbeilles d’objets en or pur ou en argent ainsi que des pierres précieuses.

Puis le roi s’immergeait entièrement dans l’eau pour faire offrande de l’or sur sa peau mais aussi pour une purification symbolique.



La confusion des langues ainsi que la folie des grandeurs ont probablement concouru à cette construction hybride.

L’officier Luiz Daza fonde ses espoirs sur un récit qui lui est traduit de façon chancelante du Quechua à l’Espagnol. Des déformations importantes de la légende auraient pu faire croire à une contrée où l’or abonde dans le plus grand secret des conquistadores.




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Le roi s’en allait dans un magnifique radeau au son des flûtes et des conques marines.


On peut encore remonter plus loin, jusqu’aux origines de cette coutume.



Ainsi les Incas nous content cette légende:



Le roi de Guatavita tomba profondément amoureux d’une jeune femme de la tribu voisine. Il l’épousa et de leur union naquit une fille que les époux chérissaient de tout leur être.

Quelque temps après, le roi se mit à mener une vie décadente, délaissant son épouse, la trompant.

En réponse à l’abandon de son mari, le coeur de la jeune reine s’abandonna à un jeune et beau guerrier qui devint son amant.

Mais l’idylle ne leur dura qu’un temps car le roi, s’étant aperçu de la tromperie, fit mourir l’imprudent dans d’atroces souffrances avant de lui arracher le cœur qu’il servit en met à son épouse, lors d’un festin organisé en son honneur.

La reine foudroyée par la douleur, se précipita dans la lagune sacrée de Guatavita, emportant son unique fille.


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La reine foudroyée par la douleur, se précipita dans la lagune sacrée de Guatavita, emportant son unique fille.



Le roi réalisa alors à quel point il aimait sa femme et manda aux prêtres de la faire revenir. Ces derniers rapportèrent que la reine, désormais épouse d’un serpent et déesse des eaux, vivait heureuse dans les profondeurs.

Sur ordre du souverain, ils lui ramenèrent sa fille mais elle fut renvoyée à sa mère: elle n’avait plus d’yeux.

L’inconsolable roi pardonna alors à son épouse en lui promettant des offrandes afin qu’elle ait dans sa nouvelle vie, le bonheur qu’elle n’avait connu que brièvement à ses côtés.



Chez les Incas, l’or n’avait pas la même symbolique pragmatique que chez les Européens.

Lorsque les conquistadores débarquent en Amérique du Sud, l’abondance d’or autour d’eux amplifie leur agressivité et leur convoitise à l’égard des populations locales.

L’Amérique représente déjà pour eux l’eldorado tant rêvé, source de la puissance royale espagnole.



L’or symbolise pour les Incas, le dieu soleil et leur capitale du soleil était quasiment recouverte d’or jusqu’aux jardins où les représentations animales et végétales étaient faites d’or et d’argent.

Pour satisfaire leurs besoins grandissants, les Incas développèrent même avant l’heure des techniques complexes d’extraction.





Dans toutes les civilisations, ce métal précieux est par son esthétique luxueuse et sa résistance au temps, un symbole de puissance.

Bien loin des aventuriers de l’El Dorado, il fait la renommée d’un autre royaume légendaire…



OPHIR ET LE TEMPLE DE SALOMON


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« Les navires de Hiram, qui apportèrent de l’or d’Ophir, amenèrent aussi d’Ophir une grande quantité de bois de santal et des pierres précieuses. »

La Bible, Premier livre des rois, 10.11



La Bible raconte que l’or du royaume d’Ophir servit à la construction du temple qu’il érigea en l’honneur du tout-puissant conformément aux instructions divinement communiquées.

Ce port ou cette région mentionnée dans le livre sacré, approvisionnait le roi Salomon en cargaisons d’or, d’argent, de bois de santal, de pierres précieuses, d’ivoire, de singes et de paons.

Une richesse exceptionnelle qui lui était envoyée tous les trois ans.

Bien qu’on ne sache pas avec certitude où il se situe, on sait néanmoins qu’il était tout proche du commanditaire de ces envois: la reine de Saba.

Impressionnée par la sagesse et la richesse de Salomon, la reine venue de son pays (on le situe entre le Yémen et l’Éthiopie) pour rencontrer le souverain, trouve ainsi le moyen de rendre hommage à sa puissance.


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L’embarquement de la Reine de Saba. Claude Gellée dit Le Lorrain



UN TEMPLE SACRE




Selon la Bible, l’or venu d’Ophir recouvre entièrement le premier temple juif de Jérusalem.
Probablement achevé au Xème siècle avant J.C., il est le foyer de la vie religieuse et culturelle ainsi que le lieu des sacrifices.

La Torah donne le nom de « kerbanot » à l’édifice qui en son sein, abrite l’Arche d’Alliance contenant les Tables de la Loi (tablettes de pierre sur lesquelles sont gravés les Dix Commandements).

Le temple est détruit par les Babyloniens en -586 et un second temple sera reconstruit sur ses restes.


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L’OR DES DIEUX



L’or pur est inaltérable, comme les dieux sont éternels, il est aussi d’un jaune éclatant, comme le tout puissant soleil (en latin « aurum » signifie « aurore »).


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… le métal des rois et des empereurs qui évoque le Soleil et toute sa symbolique…



Ce métal précieux porte en lui une couleur hautement symbolique.

La couleur or exprime en effet la connaissance et la perfection. Elle fait de cet élément le métal des rois et des empereurs qui évoque le Soleil et toute sa symbolique : fécondité, richesse, domination rayonnement ; centre de chaleur, amour, don ; foyer de lumière et de connaissance.



Dans l’Antiquité, les Egyptiens le nommaient la chair des dieux, eux qui menèrent une quête effrénée de l’éternité.

D’ailleurs, les masques funéraires confectionnés en or avaient pour but de fixer éternellement le visage du pharaon et de l’identifier aux étoiles.


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Onze kilos d’or massif ont servi pour la confection du masque de Toutankamon et on estime avoir retrouvé dans son tombeau (l’un des plus petits de la vallée des Rois) plus d’une tonne d’or pur…



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Source: www.global-travelling.com



Le Bouddha d’or de Bangkok mesure plus de 3 mètres de haut pour 5,5 tonnes.

C’est la plus grande statue en or massif du monde.




Mais l’or peut également symboliser la décadence engendrée par la soif de pouvoir.

Dans la Bible, la bêtise des Israélites crédules quant aux pouvoirs de Dieu, est représentée par une idole en or de la forme d’un veau.


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L’Adoration du Veau d’or, par Nicolas Poussin.



« Le peuple, voyant que Moïse tardait à descendre de la montagne, s’assembla autour d’Aaron, et lui dit: Allons! fais-nous un dieu qui marche devant nous, car ce Moïse, cet homme qui nous a fait sortir du pays d’Égypte, nous ne savons ce qu’il est devenu.

Aaron leur dit: Otez les anneaux d’or qui sont aux oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi.

Et tous ôtèrent les anneaux d’or qui étaient à leurs oreilles, et ils les apportèrent à Aaron.

Il les reçut de leurs mains, jeta l’or dans un moule, et fit un veau en fonte. Et ils dirent: Israël! voici ton dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Égypte. »



La Bible, Exode 32.



L’or divin, quand il ne sert pas la puissance des Dieux conduit irrémédiablement au malheur, comme pour démontrer que son pouvoir échappe à l’homme.

Face à Dieu, il semblerait que l’or soit une arme puissante dans le contrôle des âmes et des coeurs qu’il sait pervertir. A tel point que dans beaucoup de religions, la sagesse vient du plus humblement paré.

En tout cela, la quête de l’El Dorado met en exergue l’instinct destructeur de l’homme poussé à son paroxysme par les pouvoirs hypnotiques de cet élément.



Hélène LE, pour www.buddhachannel.tv

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