– Pourquoi avez-vous décidé de vous engager dans le domaine humanitaire? Pourquoi essentiellement sur la cause du droit des femmes ?
Depuis toujours j’ai été particulièrement sensible aux violences faites aux femmes et aux enfants dans le monde et malheureusement le constat est accablant. Il y a déjà fort longtemps a germé en moi l’envie de m’engager concrètement dans la promotion du droit des femmes et des enfants. Mon désir de me battre pour ces thématiques s’est très vite révélé, et renforcé chaque jour où je prenais conscience de l’ampleur de ces violences.
Il existe différentes façons de lutter pour les valeurs que nous défendons au sein du GIPF, mon engagement humanitaire m’a simplement paru évident… Je ne me vois pas faire autre chose, c’est le combat d’une vie, une force qui me pousse. C’est le choix que j’ai fais !
Les violences dont sont victimes les femmes existent et persistent malgré l’action de nombreuses associations et ONG dont le travail est remarquable. Nous le savons, les femmes peuvent être un moteur du développement durable, elles sont importantes dans la préservation de la paix.
Il faut favoriser l’autonomisation des femmes, filles et fillettes de toutes cultures, de toutes religions, dans le monde entier…
C’est face à la constatation de l’ampleur du phénomène et parce qu’il perdure, parce que je suis une femme et que cela me révolte que j’ai décidé de me battre.
– Comment s’est monté le projet de votre ONG ? Avec qui ? Dans quel but ?
Comme je vous le disais, la sensibilité que j’ai par rapport aux phénomènes des violences envers les femmes m’a peu à peu poussée à m’engager concrètement dans ce projet.
C’est une rencontre, celle avec un ami, mon mentor, Frédéric Leroy, et mon engagement à ses côtés, dans un premier temps au sein de la CITRR (Coalition Internationale pour un Tourisme Responsable et Respectueux), qui m’a permit de mettre peu à peu des mots sur le combat que je souhaitais mener pour enfin aboutir à la création du GIPF.
Nous nous sommes engagés ensemble dans ce combat, celui de la lutte contre les violences dont sont victimes les femmes et les enfants dans le monde.
– Quel est le principal but du Groupe International de Parole de Femmes ? Quel thème dans la lutte pour la reconnaissance de la femme dans le monde vous tient le plus à cœur ?
L’objectif principal du GIPF est de valoriser la parole des femmes et de lutter contre toutes les formes de violences dont sont victimes les femmes et les enfants dans le monde.
Le terme “violences” quand il s’accompagne du mot “femme” revêt divers visages, la violence contre les femmes est multiple et sévit partout… Il n’y a pas une thématique qui me tient plus à coeur qu’une autre, il s’agit d’un combat global ou la nécessité d’une action internationale est évidente.
Qu’il s’agisse de crimes d’honneur, de violence conjugale, de l’excision, de la traite ou de toute autre violence, il faut prendre ce phénomène dans son intégralité, et mutualiser les moyens existants afin de mener à bien notre action.
– Quelles sont les missions auxquelles vous participez ? Comment y participez-vous ?
La première action au sein du GIPF, consiste en l’information. Nous nous sommes rendus compte que le phénomène des violences, qu’il concerne les femmes ou les enfants, n’est pas réellement pris en compte par l’ensemble de la population qui manque d’information.
Pour cela nous faisons chaque semaine une veille presse qui est une sélection de différents articles concernant des thématiques telles que le droit de l’enfant, le droit des femmes, la prostitution, l’inceste, mais aussi le tourisme sexuel, et toute autres informations concernant des événements en lien à notre combat. Nous diffusons cette veille presse à l’ensemble de nos partenaires dans le monde, soit plus de 350 associations et ONG dans 88 pays. L’information du public, la sensibilisation permet une prise de conscience collective qui est nécessaire à l’amélioration du statut des femmes dans le monde.
Nous faisons également du lobbying politique auprès de divers gouvernements par rapport à des cas concrets.
Nous nous appuyons sur les textes qu’ils ont ratifiés (par exemple la CIDE Convention Internationale des Droits de l’Enfant) en leur rappelant les engagements qu’ils ont pris.
Nous nous sommes, par exemple, engagés en faveur de Mme Ayaan Hirsi Ali, qui est actuellement menacée par une fatwa, du fait de ses engagements, notamment contre les crimes d’honneur, l’excision, … et qui a demandé l’asile politique au gouvernement français. Pour cela nous avons écrit au Président de la république Française M. Nicolas Sarkozy, lui rappelant ses propres termes lors de sa campagne présidentielle: «chaque fois qu’une femme est martyrisée dans le monde, la France doit se porter à ses côtés».
De même, nous sommes intervenus en faveur de la ratification et de l’application de la Convention sur l’âge minimum légal du travail des enfants et la Convention sur les pires formes de travail des enfants. Elle n’a toujours pas cours en Inde où sont aujourd’hui concernés plus de 20 millions d’enfants.
Nous nous sommes également engagés contre les crimes d’honneurs, suite à un article paru sur le meurtre de Zahra, jeune fille syrienne de 16 ans tuée pour avoir été violée. Les crimes d’honneurs sont une des pires formes de l’expression de la domination masculine sur les femmes, partant du principe que l’honneur de la famille voir de la communauté repose sur le seul comportement des femmes qui la composent. Pour cela nous avons initié une pétition «Contre les crimes d’honneur, À la mémoire de Zahra ! ».
De même, nous avons adressé un courrier au Président de la République française, ainsi qu’à l’ambassadeur de Syrie en France et à l’ambassadeur de France en Syrie, pour condamner cette pratique et tenter de faire abroger l’article 548 du code pénal syrien qui donne une excuse absolutoire aux personnes ayant commis un meurtre d’honneur ! Cette pétition a reçu le soutien officiel de diverses femmes politiques et parlementaires, ainsi que de la Présidente de la délégation des femmes au Sénat, Mme Gisèle Gautier.
– Quels sont les lieux ou pays dans lesquels vous êtes le plus implanté ?
Nous sommes présents dans 88 pays sur les 5 continents, avec plus de 350 associations et ONG affiliées. C’est en Afrique, notamment au Togo, au Niger, au Burkina Faso, au Maroc, et au Tchad,… que nos associations affiliées sont les plus actives.
– La France doit-elle encore beaucoup progresser en matière de parité ? Quelles solutions préconisez-vous ?
La parité est une notion essentielle, je pense effectivement que la France a encore du chemin à faire dans ce sens, à noter cependant que des progrès notoires ont déjà été réalisés…
Je ne pense pas avoir de solutions « miracles » à cette problématique, je crois qu’il est important de faire un travail d’information et de sensibilisation à ce niveau. Nous n’y arriverons (à la parité) que si, ensemble, hommes et femmes se donnent la main pour y parvenir !
Le GIPF est une ONG de femmes pour les femmes ET avec les hommes, car quelques soit le sujet que nous développons, si le combat se mène en solitaire, on assiste plus à une lutte des genres qu’à une véritable évolution positive de la situation !!!
Je crois, de plus, qu’il devrait y avoir un renforcement des lois à ce niveau mais surtout de leurs applications. On peut, par exemple, parler du domaine professionnel où, quel qu’il soit, la parité est difficilement (voire pas du tout) respectée.
– Pouvez-vous nous parler de l’événement que vous organisez pour la journée du 8 mars? Qu’attendez-vous de cette journée ?
La Journée du 8 mars, Journée Mondiale des Femmes, représente plus de 90 ans de lutte, un combat que mènent les femmes pour la reconnaissance de leurs droits. C’est pourquoi il est important de rappeler cette journée, et de la commémorer.
L’objectif de cette Journée Mondiale est de sensibiliser, au niveau international, l’ensemble des acteurs impliqués dans la thématique de la défense du droit des femmes et des enfants, et de favoriser une prise de conscience collective quant à l‘ampleur des violences dont ils sont les principales victimes.
Pour ce 8 mars 2008, nous avons diverses activités de prévu.
Durant une semaine, dès le lundi 3 mars, nous consacrons ensemble, (GIPF et ParisTV Prod-Buddhachannel) une semaine aux femmes avec des interviews, des articles et des dossiers thématiques.
Le samedi 8 mars, le GIPF sera en direct de 11h à 13h sur Parenthèse Radio, pour une émission de deux heures dédiée aux femmes, et durant laquelle nous serons accompagnés de diverses femmes.
Nous organisons ensuite, à l’hôtel Claret dans le 12ème arrondissement, une après midi de rencontres et d’échanges autour des thématiques « droit des femmes et des enfants » et « les femmes et l’art » sous forme de tables rondes. Diverses intervenantes nous présenterons leurs parcours, leurs engagements ; nous accueillerons également l’artiste sculpteur Ca Thi Hac, qui nous présentera ses œuvres, ainsi que la poète Thanh-Vân, qui fera une dédicace de son recueil de poèmes.
– Quels sont vos projets principaux pour l’avenir ?
Je dirais déjà dans un premier temps la continuation de notre travail de lobbying et le renforcement de notre présence au niveau international.
Dans l’immédiat après le 8 mars, nous mettons l’accent sur la préparation de la deuxième édition de la Journée Mondiale pour un Tourisme Responsable et Respectueux avec notre département tourisme la CITRR. Cette journée qui en fait se fera sur 2 jours, se déroulera les 2 et 3 juin ; avec le 2 juin la thématique principale de cette année : « le tourisme comme moyen de lutte contre la pauvreté », et le 3 juin nous mettons le Pays Haïti à l’honneur.
Sur le plan de nos actions, l’objectif est de renforcer notre travail de lobbying et de notre présence au niveau international. Nous réfléchissons pour le moment à mettre en place une très grande opération qui se déroulerait durant 5 années, une année par continent. Cette opération devrait avoir en point d’orgue la remise d’une pétition à l’ONU afin de pouvoir renforcer sur le plan international l’application des différentes conventions. Mais je ne vous en dis pas plus, c’est encore à l’état de projet.
Sinon, nous envisageons de plus en plus à renforcer notre présence en Amérique latine avec certainement l’ouverture d’une base opérationnelle fin 2009.
– Vous souhaitez « regrouper tous les acteurs de la société civile » dans la lutte pour le droit des femmes. Pour cela, avec qui êtes-vous déjà en collaboration ? Comment se passe cette collaboration ?
Dans la lutte pour le Droit des femmes, oui mais aussi pour le Droit des enfants, car qu’il s’agissent de petites filles ou de petits garçons, les enfants d’aujourd’hui seront les adultes de demain… En cela ils doivent être protégés et doivent avoir accès à l’éducation, afin de “partir sur de bonnes bases” et devenir ainsi les futurs défenseurs de leurs droits, et des droits fondamentaux de toutes personnes. “Les racines du monde de demain” doivent pouvoir bénéficier d’un terreau sain…
Nous sommes tous deux, Frédéric et moi, membre du Zonta International, Club de Paris Port Royal Concorde. Cette organisation de Femmes qui a vu le jour en 1919 à Buffalo, et lutte depuis lors pour la défense du droit des femmes et la paix dans le monde. En tant que Présidente de la Commission « statut de la femme » de ce club, je souhaite que nous menions cette lutte en commun, car c’est en unissant nos forces que nous aurons un réel pouvoir auprès des instances gouvernementales et que nous pourrons ainsi tenter au mieux de faire appliquer les Conventions qui existent et qui ont été ratifiées par nombre de pays.
Nous sommes également en discussion pour un éventuel partenariat au niveau international avec l’association Ni Putes Ni Soumises.
Récemment, nous nous sommes associés à l’initiative d’Alertes Enlêvements.be, qui propose de diffuser dans le monde (à la demande des parents et en dehors des enlèvements dans le cadre familial) et en quelques minutes via les réseaux d’Internet une alerte en cas d’enlèvement avéré. Nous le savons, la réactivité est vitale dans ce genre de situation, c’est dans les premières 6 h à 24h que les chances de retrouver un enfant kidnappé sont les plus élevées. Alerte Enlèvement.be travaille notamment en étroite collaboration avec Europol.
Nous sommes aussi en rapport avec le Portail Anti Pédophil, La Cocasse au Maroc (Coalition contre les abus sexuel sur les enfants), et diverses associations et ONG dont je ne peux citer les noms puisque nous avons actuellement plus de 350 ONG et associations affiliées dans 88 pays, cela deviendrait compliqué d’en connaître tous les noms…
Notre collaboration se passe dans un premier temps par un échange d’informations (veille presse, articles que nous envoient nos associations affiliées et que nous retransmettons, …) par la suite nous menons ensemble, des actions de sensibilisations, organisations d’événements, de conférences …
L’objectif final de ces collaborations étant, lorsque nos moyens nous le permettrons, de soutenir financièrement des actions locales, car ce sont les personnes sur le terrain qui ont la meilleure expertise, et peuvent au mieux tenter de répondre aux besoins. C’est également pour cela que nous avons des ambassadeurs locaux…