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Livre – L’Un vers l’autre, En voyage avec Victor Segalen, de François Cheng

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L’Un vers l’autre

En voyage avec Victor Segalen

de François Cheng[[Poète, traducteur, romancier

Né le 30 août 1929, en Chine, François Cheng est issu d’une famille de lettrés et d’universitaires — ses parents comptaient parmi les premiers étudiants boursiers envoyés aux États-Unis. Études secondaires à Chongquing de 1937 à 1945. La guerre terminée, la Chine sombre peu après dans la guerre civile qui jeta la jeunesse dans le désarroi ou la révolte. Après un temps d’errements, il entre à l’Université de Nankin.

Début 1948, son père participe, en tant que spécialiste des sciences de l’éducation, à la fondation de l’UNESCO, grâce à laquelle il peut venir en France. Il se consacra à l’étude de la langue et de la littérature françaises. Il dut cependant traverser une assez longue période d’adaptation marquée par le dénuement et la solitude avant d’obtenir en 1960 un emploi stable au Centre de linguistique chinoise (devenu plus tard le Centre de recherches linguistiques sur l’Asie orientale à l’École des hautes études en sciences sociales). Parallèlement à son travail, il s’est employé à traduire les grands poètes français en chinois et à rédiger sa thèse de doctorat.

En 1969, il a été chargé d’un cours à l’Université de Paris VII. À partir de là, il mènera de front l’enseignement et une création personnelle. Il sera naturalisé français en 1971. En 1974, il devient maître de conférences, puis professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales, tandis que ses travaux se composent de traductions des poètes français en chinois et des poètes chinois en français, d’essais sur la pensée et l’esthétique chinoises, de monographies consacrées à l’art chinois, de recueils de poésies, de romans et d’un album de ses propres calligraphies.

Il se verra attribuer le prix André Malraux pour Shitao, la saveur du monde, le prix Roger Caillois pour ses essais et son recueil de poèmes Double chant, le prix Femina pour son roman Le Dit de Tianyi et le Grand prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre.
Il a été élu à l’Académie française, le 13 juin 2002, au fauteuil de Jacques de Bourbon Busset (34e fauteuil).]]


Francois_chang.jpgToute sa vie, François Cheng a été habité par l’errance orientale de Victor Segalen, étrangement semblable à son propre périple occidental.

C’est même par le cycle chinois de l’Œuvre de Segalen, lui aussi poète, romancier et critique d’art, que Cheng a d’abord visité de façon imaginaire une Chine qu’il avait quittée jeune. François Cheng dit ici l’intime proximité spirituelle qui le relie à Victor Segalen. Comme lui, la surface ne l’intéresse pas : il est allé voir  » ailleurs  » pour mieux voir au-dedans. Non pour se fuir mais pour se chercher.

Les deux poètes  » exotes « , selon l’expression de Victor Segalen, nous invitent à une trajectoire croisée qui voit la meilleure part des deux traditions s’amalgamer en un trésor unique, donnant naissance à une parole qui ouvre sur l’universel.

– Paru le : 15/10/2008
– Editeur : Albin Michel
– ISBN : 978-2-226-18853-3
– EAN : 9782226188533
– Nb. de pages : 180 pages
– Poids : 225 g
– Dimensions : 12,5cm x 19cm x 1,6cm

Commentaire de Marie-Noëlle Tranchant – Le Figaro

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François Cheng , le poète chinois qui a adopté la France et sa langue , dialogue avec Victor Segalen, que la Chine a révélé à lui-même.

Les trois mots du titre, L’Un vers l’autre, portent le sceau de François Cheng : ils sont trois, justement, comme le yin, le yang et le vide médian, lieu du souffle et de l’échange ; comme la trinité taoïste Ciel, Terre, Homme ; comme les trois temps nécessaires à l’artiste chan pour aller de la perception des apparences à la contemplation de la vie profonde, en passant par l’effacement de soi.

« L’un », « l’autre », entités opaques et indéfinies, s’ignoreraient sans ce léger « vers », à la sonorité cristalline, qui les relie et les éclaire. L’un est ce grand lettré chinois qui est venu habiter la terre de France et la langue française. L’autre ce magnifique poète français que la Chine a révélé à lui-même. François Cheng et Victor Segalen ont fait entre l’Occident extrême (la Bretagne de Segalen) et l’Extrême-Orient un voyage inverse, et aussi différent que peut l’être un exil sans retour d’une exploration volontaire. Mais ils ont en commun d’avoir fait de ce trajet, forcé ou choisi, une « aventure de l’être ».

On est loin, ici, de tout pittoresque exotique, ou d’une comparaison érudite entre deux cultures distantes. À travers ce recueil réunissant trois articles de Cheng sur Segalen, on assiste plutôt à une espèce de transmutation alchimique où le natal et l’étranger s’incorporent jusqu’à donner cette quintessence de l’âme en communion avec le monde.



Une perception mystique
La Chine a d’abord été pour Segalen, qui l’a arpentée en explorateur, une expérience physique. Montagnes et fleuves l’obligent à se colleter avec ce réel qui « triomphe avec brutalité », et qu’il a besoin de saisir charnellement. Mais très vite il entre dans une perception plus profonde de l’espace, qui n’est pas seulement géographique, mais organique, mythique et mystique. Il acquiert ce sens chinois du Lieu vivant, du Site habité par le souffle originel, que prolonge l’architec ture : « Le Monument chinois est mobile, et ses hordes de pavillons, ses cavaleries de toits fougueux, ses poteaux, ses flammes, tout est prêt au départ, toujours, tout est no made », écrit le voyageur français.

Cet espace, ces formes ont trouvé une répercussion unique dans la langue française, grâce à Segalen. Qui aime le poète souverain de Stèles, ses décrets hiératiques, ses déploiements fastueux et ses retirements secrets le goûtera mieux encore, distillé par le regard chinois de François Cheng. L’auteur s’étonne de certaine thèse selon laquelle la Chine de Segalen serait purement imaginaire, simple prétexte stylistique. Sa lecture attentive et fraternelle est plus convaincante et plus pénétrante. Ce n’est pas celle d’un critique mais d’un compagnon de voyage, qui reconnaît intimement « cette manière si spécifique de sentir et de percevoir le Réel, de douer les images d’une dimension visionnaire ».

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